La discussion la plus passionnante ne décrivait pas la façon de réamorcer celle-ci, mais plutôt pourquoi celle-ci est un besoin fondamental. Depuis le 20e siècle, le niveau de vie a progressé de façon considérable – principalement dans le monde occidental. Les gens remettent donc en question la thèse selon laquelle notre société a toujours véritablement besoin de perpétuer la croissance. Ces personnes amalgament en effet la « croissance économique » et le matérialisme, au nivellement des normes et des valeurs, à la montée de l’oniomanie, etc. Or, il y a une illusion. Bien sûr, sans croissance, aujourd’hui, nous ne serions pas envahis de supermarchés, pas plus que d’embouteillages ou de grands films hollywoodiens. Mais dans le même temps il nous serait également impossible de profiter de soins de santé, de l’éducation, de réglementations environnementales… C’est grâce à la croissance que nous pouvons de travailler beaucoup moins longtemps qu’au début du XXe siècle. C’est aussi la croissance qui a fait que la mortalité infantile n’a encore jamais autant baissé, qu’un réseau de transports a pris son essor, que certains pays peuvent établir l’éducation, que la redistribution est possible grâce à l’impôt sur le revenu. La croissance pour la croissance ne constitue pas une fin en soi, mais la croissance ouvre de nouvelles perspectives. Elle est un dispositif permettant à des citoyens, des entreprises ou des territoires d’enjoliver leur niveau de vie. La manière dont ils gèrent cette croissance et fixent leurs priorités résulte par conséquent de leur choix personnels. Dans certaines régions du monde comme l’Arabie saoudite, la progression des moyens donnera probablement l’apparition de pistes de ski en plein désert, de splendides centres commerciaux ou à l’apparition d’un circuit de F1. Un pays comme la Chine profitera certainement de la prospérité pour acheter des terres arables étrangères, acquérir des vignobles français, édifier un système de sécurité sociale ou construire un porte-avion. La Suède décidera de renforcer la protection sociale, d’implanter une période de travail réduite ou de servir une plus grande protection de la nature. Aux États-Unis, une amélioration du PIB sera vraisemblablement accordée au développement de la défense et à abaisser les impôts. La croissance n’est donc pas une fin en soi : ce qui domine, c’est ce que celle-ci permet à la société. C’est le même principe pour les hommes. Quand un individu s’enrichit financièrement, il lui revient de effectuer des choix. Certains useront de cette somme pour acquérir plus de produits de consommation ou une plus grande voiture, pour partir en vacances. D’autres favoriseront l’épargne de leurs enfants et petits-enfants. D’autres encore choisiront des produits frais plus coûteux, apporteront leur aide à Médecins sans frontières ou parraineront directement les pays en voie de développement. Nous pouvons voir d’un mauvais oeil certains de ces choix. Chacun a de meilleures idées sur la manière d’employer cette augmentation des capitaux. Cependant pour pouvoir pratiquer ces choix, la croissance est indispensable. Qu’il s’agisse d’éducation, de plus de soins de santé, de l’âge de départ en retraite, de plus de défense, de protection environnementale ou de subventions culturelles… Sans croissance, notre société ne peut s’améliorer. Ce séminaire à Reims fut riche en enseignements.